Revendications de la FLAC et de ses membres pour les élections 2023 et la politique culturelle consécutive

Voici une liste de revendications qui s’appuient sur les problématiques exprimées par nos membres.

Sont exposés ici un plan ambitieux et des améliorations sur lesquelles nous souhaitons interpeler tous les partis politiques luxembourgeois et sur lesquelles ceux-ci pourront s’appuyer pour relever les défis.

Chaque domaine musical a des besoins spécifiques, mais rencontre aussi des problématiques communes.

A. Les besoins et problématiques communs à chaque domaine du secteur :


1. Juste rémunération, statut et reconnaissance du métier de compositeur

L’une des problématiques principales est l’indépendance pécuniaire des créateurs au Luxembourg. Il n’existe pas vraiment de statut adapté, permettant aux composit.eur.rice.s de vivre de leur seul métier, d’assurer leur retraite ou de pouvoir accéder à la propriété et à un espace de création dédié. Une banque n’octroiera que très rarement, voire jamais, un prêt (logement) à ce type de profil, considéré comme précaire. Créer un modèle spécifique se basant sur les réalités du marché et des conditions de vie au Luxembourg serait bénéfique. La majorité sont contraints d’avoir un second emploi pour survivre, ce qui ne laisse qu’un temps très restreint pour créer.

Par ailleurs, le temps de recherche et de création ne sont pas valorisés dans les primes de commandes, alors qu’ils sont primordiaux pour aboutir à une nouvelle œuvre. Ce temps de recherche pourrait être valorisé par un système de bourse et d’aides à la création, afin de permettre aux créateurs de s’y consacrer pleinement et de vivre pendant ce laps de temps.

Par ailleurs, la création n’est pas durable, car rarement jouée, de court-termisme ou one-shot. Les œuvres ne sont que rarement reprogrammées ou tombent dans l’oubli après leur « création mondiale », notamment du fait que les commanditaires demandent des pièces musicales courtes, le plus souvent pour des raisons financières. Cela a pour effet que les composit.eur.rice.s ne comptent, dans leur catalogue, que des miniatures musicales et peu de grandes formes, ce qui est limitant dans le développement du répertoire, la diffusion et la diversité des œuvres.

De plus, depuis un certain nombre d’années, les tarifs des commandes n’ont pas suivi l’indexation, paramètre supplémentaire à la situation précaire des composit.eur.rice.s.

Il serait également utile d’assurer une aide au financement de matériel informatique, qui doit être régulièrement mis à jour, et la valorisation du matériel existant dans la facturation des prestations.


2. Diversité, éducation, promotion et conditions de diffusion de la création musicale luxembourgeoise au niveau national et international

Nous constatons, depuis un grand nombre d’années, que les composit.eur.rice.s et la création luxembourgeoise sont rares, voire absents de la programmation de certaines salles de concert, parfois des plus prestigieuses. Ces institutions culturelles bénéficient pourtant de fonds publics, issus des impôts de la population luxembourgeoise à travers les subventions du Ministère de la Culture. Il nous semble primordial de mettre en lumière de façon pérenne des œuvres contemporaines et du patrimoine luxembourgeois.

  • Conditionner l’allocation des subventions par le Ministère de la Culture à un cahier des charges par :

    • La promotion et la présence d’œuvres luxembourgeoises à un certain pourcentage dans la programmation de saisons artistiques/publiques, qu’elles soient issues de la création contemporaine, tout style confondu, et du patrimoine.

    • La pluralité et diversité des musiques et artistes – composit.eur.rice.s luxembourgeois.es sur les scènes nationales. Or, nous constatons que ce sont principalement les mêmes artistes qui occupent ou monopolisent le devant de la scène nationale, écartant la possibilité aux jeunes artistes ou composit.eur.rice.s d’émerger. Ceci constitue un fléau majeur et un frein au développement et renouvellement de la scène luxembourgeoise, et une atteinte à la diversité et la liberté d’expression artistique. De plus, il faudrait élargir la pluralité et la diversité des genres et formes musicales (p.ex. théâtre musical, opéra etc.) dans le cadre des commandes.

    • Des résidences d’artiste de composit.eur.rice.s in situ des grandes structures artistiques du pays, comme cela se fait depuis de nombreuses années à l’international, mettant à l’honneur un/une composit.eur.rice luxembourgeois.e et lui permettant le travail sur une création, qui se fait sur la durée et en collaboration avec les orchestres ou ensembles nationaux commanditaires / structures d’accueil d’artistes, tels que l’OPL, l’Orchestre de Chambre du Luxembourg, Lucilin, etc.

    • L’engagement à long-terme pour les auteurs-compositeurs au niveau des compagnies (théâtre, danse etc.), par des tournées nationales et internationales, ou en étant artistes associés à des communes.

  • Direction des structures de l’enseignement musical, Musique & Éducation nationale, formation continue et professionnalisation par :

    • La création de formations professionnalisantes pour divers métiers de l’écosystème de la création musicale, qu’il s’agisse de l’édition musicale, le management d’artiste (agent), juriste spécialisé en droit de la propriété intellectuelle et littéraire, les métiers techniques comme ceux de l’ingénierie du son, mixage musique etc., mais également permettre la formation continue des composit.eur.rice.s.

    • La promotion et l’enseignement de la musique luxembourgeoise dans les écoles, notamment dans les filières spécialisée, pour initier au patrimoine et le transmettre, tout en permettant de découvrir des œuvres nouvelles de compositeur.rice.s contemporain.e.s ou de musiques actuelles luxembourgeoises.

    • La limitation de la durée des mandats des direct.eur.rice.s de structures communales et d’établissements publics, notamment d’enseignement musical, afin de garantir une programmation diversifiée et plurielle, et prévenir les pratiques délétères de favoritisme ou népotisme, lesquels impactent négativement les professionnels du secteur.

  • Promotion et export pour la commercialisation des œuvres par :

    La création et l’encadrement des structures professionnelles d’édition pour la promotion, la diffusion et la (re)vente des œuvres de composit.eur.rice.s luxembourgeois.es à l’international et au niveau national. Nous constatons que bon nombre de sociétés de production du secteur de l’audiovisuel s’improvisent éditeur de musique enregistrée, afin de capter une partie des droits d’auteur des composit.eur.rice.s sans en connaitre le métier ni en assurer les obligations professionnelles et commerciales. Ces droits d’auteur vont sans efforts dans la poche du producteur-éditeur et représentent une perte de revenus pour les composit.eur.rice.s. Pour les éditeurs de partitions musicales, il n’est pas encore question de diffusion à l’international, ce qui porte préjudice au rayonnement des œuvres au-delà de nos frontières.


B. Les besoins et problématiques spécifiques à chaque domaine du secteur


1. Musique classique-contemporaine

  • La création d’un Centre ou Institut de recherche et de création de musiques contemporaines permettant la recherche scientifique d’innovation technologique et de création musicale dans les domaines des musiques électroniques et électro-acoustiques, la création de musique dite « mixte » ou dispositif de « temps-réel » avec un équipement technologique équivalent. Cet espace constitue un besoin pour les composit.eur.rice.s depuis de nombreuses années et aurait pour bénéfice une attractivité du Luxembourg au niveau international dans le domaine de la création et de la recherche musicales. L’exemple emblématique sur lequel nous pouvons nous appuyer est l’IRCAM (Institut de recherche et coordination acoustique/musique) de Paris.

  • La création et les composit.eur.rice.s de musique classique-contemporaine sont le parent pauvre du domaine musical. le marché luxembourgeois est trop restreint pour ce style musical et ne prend pas en considération les créateurs locaux. La plupart des interlocuteurs des salles de concert sont inaccessibles ou ne s’intéressent pas à ce style musical. Il est sous-représenté et ne fait pas partie des priorités dans le paysage musical du pays, notamment pour les organismes d’aide et de soutien comme Kultur|LX.

  • Bien que la musique classique-contemporaine soit parfois difficile d’accès, elle doit pouvoir exister, être soutenue et contribuer à la diversité des langages, tout comme le cinéma d’auteur ou les blockbusters co-existent.


2. Musique de films

  • Les créations pour le domaine de l’audiovisuel (cinéma, TV, multimédias, jeu vidéo, VR etc.) sont soumis à des pratiques de buy-out et de prise d’édition coercitive, comme évoqué précédemment. Ces pratiques appliquées par les producteurs et/ou co-producteurs, diffuseurs et plateformes internationaux contreviennent aux droits d’auteur et des lois qui régissent la propriété littéraire et intellectuelle, surtout si la signature du contrat est conditionnée par l’acceptation par le composit.eur.rice de ces exigences. De cette manière, les sociétés de production amputent, en partie, les sources de revenus des composit.eur.rice.s de musique à l’image, surtout du fait qu’ils ne remplissent pas leurs obligations professionnelles et commerciales d’éditeur.

    S’agissant de sociétés de production, qui sont largement financés par le FilmFund, donc par des fonds publics, il semble naturel d’exiger des pratiques équitables de rémunération, de respect du droit de l’auteur et de transparence sur l’utilisation des fonds accordés, notamment pour rémunérer la création et l’équipement du/de la composit.eur.rice.

  • La valorisation des composit.eur.rice.s de ce secteur devrait se faire par la reconnaissance et la mise en place d’un cadre juridique et économique professionnalisant pour permettre aux composit.eur.rice.s de se consacrer pleinement à ce secteur d’activité.


3. Musiques actuelles

La mise à disposition de lieu de création ou de locaux abordables pour composer, produire et répéter, accessibles dans la durée.

Cela concerne tous les styles et domaines musicaux confondus, mais tout particulièrement la création de musiques actuelles (pop, rock, jazz, électronique etc.)


C. D’autres points à considérer et à améliorer seraient :

  • L’égalité et parité dans la création et la musique
  • Les droits voisins (SPEDIDAM)
  • Le bien-être des composit.eur.rice.s au travail
  • La rémunération des droits d'auteur pour les représentations publiques (théâtres, salles de concert)
  • L’augmentation et l’agrandissement du service musical au sein du Ministère de la Culture
  • L’émergence de l'intelligence artificielle dans la création : cadre juridique